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Debut " Le monde entier m'attend" épisode 2 - Théâtre jeune public

INTRODUCTION (facultative)

 

UN CONTEUR, à l’avant scène : Enfants, petits et grands, je vous demande de faire silence car nous allons partir pour un pays qui ne survit pas au bruit. Pour un pays sans terre, peuplé d’êtres étranges... Un pays mystérieux, très loin de la raison. Vous le connaissez tous ; vous y allez souvent... La Nuit en est la Reine.
Enfants, petits et grands, vous l’avez deviné, nous partons au pays du sommeil, nous allons suivre un rêve...

Il s’écarte tandis que la lumière révèle le décor : la chambre d’une petite fille.

La petite fille dort, allongée sur un gros oreiller...

Soudain, on entend une voix pestant, râlant et on voit l’oreiller s’animer. La voix devient plus forte, l’oreiller plus mouvant. La petite fille ne se réveille pas mais elle glisse et disparaît derrière l’oreiller. Un visage ébouriffé apparaît alors... C’est celui d’un lutin, Friedrich Borev. Il semble furieux.

 

FRIEDRICH : Eh ben dis-donc... tu parles d’une apparition ! S’extirpant difficilement. Ah, c’est d’un commode !... Pfff... cette manie aussi de toujours me faire arriver par là  ! Se réajustant. Non, non...  il va falloir se décider à changer tout ça ! se moderniser un peu ! Regardez-moi ça ! De quoi j’ai l’air ? Moi, Friedrich Borev, messager de la Nuit scintillante, infinie... moi, Friedrich, magicien de l’ombre, secret du sommeil, éreinté, chiffonné, fripé ! Enfin... allons-y ! Il s’apprête à lancer de la poudre d’étoiles... Mais... où  est -elle ? Il devrait y avoir une petite fille ! Ça y est, je me suis encore  trompé ! Ah non, non et non ! Ce n’est plus possible ! On ne s’en sort plus ! On-ne-s’en-sort-plus ! Toutes ces fiches sur tous les enfants du monde, il faudrait une machine qui les range, les classe, les répertorie... un ordinateur, le grand ordinateur des Rêves ! Il déroule un parchemin et le parcourt des yeux tout en parlant dans sa barbe. Euh... qu’est-ce que je cherchais déjà ? Ah oui, voilà... Philippote... La Nuit m’envoie faire d’elle... Il marmonne de sorte que l’on ne comprend pas la suite. Il n’y a pas d’erreur... elle devrait être là... à moins qu’un Cauchemar ne l’ait emportée. Bien-sûr, eux, la Nuit leur a donné des portables alors une fois sur deux, ils me devancent ! Non, non, il va falloir que nous ayons une conversation sérieuse, elle et moi, je ne peux plus travailler dans ces conditions... Je - ne - peux - plus ! Pfff... De rage, il jette en l’air une poignée de poudre d’étoiles qui retombe sur Philippote. Il va disparaître sous l’oreiller, quand... 

VOIX DE PHILIPPOTE, de derrière l’oreiller : Ben… qu’est-ce que je fais là ?
FRIEDRICH : Il y a quelqu’un ? Philippote apparaît. Ils se font face, tous deux à genoux de chaque côté de l’oreiller.  Philippote ?
PHILIPPOTE, incrédule : Friedrich ? !
FRIEDRICH, la saluant d’une révérence  : Lui-même, Friedrich Borev, pour vous servir. 
PHILIPPOTE : Oh, que je suis heureuse de te revoir... C’est toi, c’est bien toi ?
FRIEDRICH : Oui, oui, c’est moi, c’est moi. Mais, comment se fait-il que tu te souviennes de moi ? Il est prévu, voire recommandé, que l’on oublie son rêve dès le réveil.
PHILIPPOTE : Je ne sais pas... En tous cas, moi, je me rappelle très bien ta dernière visite.
FRIEDRICH, fat : Enfin, il est vrai que certains d’entre nous, les plus merveilleux, subsistent parfois dans la mémoire des humains. A l’état de bribes, évidemment ! Bon... mais assez perdu de temps : tu sais sans doute pourquoi je suis ici.
PHILIPPOTE : Oh oui !
FRIEDRICH : Oui ?...  Magnifique ! Ma-gni-fique ! Tu sais donc que la Nuit, ma déesse, ma beauté, scintillante, infinie, la Nuit, ma déesse, ma beauté, scintillante, infinie, la Nuit ma déesse, ma beau... Euh... attends... Je me suis un peu emberlificoté, je reprends : ma-gni-fique ! Tu sais donc que la Nuit, ma déesse, ma beauté, scintillante, infinie, la Nuit, mon feu, mon tout, mystéri-euse, indolente, la Nuit...
PHILIPPOTE, l’interrompant : Oui, oui, bon, je sais que la Nuit t’envoie faire de moi la funambule la plus célèbre de l’univers.  
FRIEDRICH : Funambule ?...  Funambule ! mais quelle idée ! 
PHILIPPOTE : Enfin, voyons, je dois faire un numéro superbe, visible des quatre coins de la terre au même instant !  Je dois marcher sur le fil de l’horizon !
FRIEDRICH : Ah mais pas du tout ! Ah mais tu n’y es pas du tout ! Il parcourt des yeux son parchemin. Oui, oui, oui, je confirme, ce n’est pas du tout ce qui est prévu ; c’est Loitiphep qui doit marcher sur l’horizon.
PHILIPPOTE : Loitiphep ? Qui est-ce ?
FRIEDRICH : Un petit garçon, figure-toi.
PHILIPPOTE : Il est déjà parti ?
FRIEDRICH : Oui, il s’est endormi bien avant toi et il est déjà sur la mer.
PHILIPPOTE : Mais ce n’est pas possible !
FRIEDRICH : Ecoute, premio tu n’étais pas là quand je suis arrivé, deuxio tu ne sais pas pourquoi  je suis venu... troisio, je vais disparaître incessamment. Tu vois que tout est possible dans ce monde-ci.
PHILIPPOTE : Je vois surtout que rien ne va comme ça devrait !
FRIEDRICH : Sache, ma petite Philippote, que ton attitude est très désagréable, voire  inconvenante ! Je connais mon métier ! et si tu t’obstines, je vais m’en aller sans même te dire ce que la Nuit, mon adorée, a concocté pour toi.
PHILIPPOTE : Je ne veux pas le savoir ! Tu m’avais promis de revenir ! 
FRIEDRICH : Eh bien, ne suis-je pas là ?
PHILIPPOTE : Si, bien-sûr, mais… cette fois je devais réussir, je devais marcher sur l’horizon.
FRIEDRICH : Pourquoi dis-tu « cette fois » je devais réussir ?
PHILIPPOTE : Mais parce que la dernière fois la Vague a tout fait rater !
FRIEDRICH : C’est bien ce que je disais : vous ne vous souvenez des choses que par bribes.
PHILIPPOTE : C’est faux ! je me rappelle tout ! Tout ! Même que la Vague a voulu m’entraîner au fond de la mer au lieu de me porter jusqu’à l’horizon et parce que tu avais oublié de me donner la formule magique, je n’ai pu me sauver… Je me suis retrouvée dans le…
FRIEDRICH, l’interrompant : Quoi ?... Qu’oses-tu insinuer ?... Moâ, Friedrich, oublier la formule ! Moâ, Friedrich, favori parmi les favoris... fils de Li Maginaire, petit-fils de Fabulon, arrière petit-fils de Songera de la dynastie suprême des Illusions !... Te rends-tu compte, petite écervelée, de qui tu insultes à travers moi ? 
PHILIPPOTE : Euh... oui, enfin, non...  Enfin, je voulais dire...  
FRIEDRICH : Rien ! Plus un mot ! 
PHILIPPOTE : Il ne s’agit pas de ta famille, Friedrich, je voulais juste t’expliquer...
FRIEDRICH : Ça suffit ! Tu feras ce qu’il est prévu que tu fasses !
PHILIPPOTE : Non ! c’est moi la funambule qui doit marcher sur l’horizon ! Pas Loitiphep !
FRIEDRICH : Le temps presse, Philippote. Donc, la Nuit préci-euse et douce, m’envoie faire de toi... 
PHILIPPOTE : Oh attends ! Attends, j’ai une idée ! Une idée superbe !
FRIEDRICH : Donc, la Nuit, préci-euse et douce, m’envoie faire de toi...
PHILIPPOTE : Ecoute ! Ecoute-moi !
FRIEDRICH : Impossible ! Impo-ssible de travailler ! 
PHILIPPOTE : Mais écoute-moi... Je n’ai qu’à rattraper Loitiphep sur la mer et nous ferons un numéro ensemble !
FRIEDRICH : Cette fois, c’en est trop !... Mais enfin... mais enfin, qu’est-ce que tu crois,  pauvre petite ignorante que tu es ?... Qu’est-ce que tu crois ? Que les Rêves vont et viennent comme ça, au hasard ? que l’on improvise au petit bonheur la chance ? que l’on peut faire tout ce qui nous passe par la tête ?... mais, ma pauvre petite fille, la vie dans le monde du Sommeil est le fruit d’une organisation savante ! Tout y est rangé, classé, répertorié ! Il faut une fiche ! des fiches ! Une multitude d’employés ! C’est la Toute Puissante Commission des J-R, les Jugeurs de Rêves, présidée par la Nuit, qui nous recrute et cela, non seulement en fonction de notre personnalité, mais aussi des désirs de l’enfant qui, eux-mêmes, ont été préalablement étudiés par la Haute Commission des Connaisseurs...  la H. C. C ! Ensuite...
PHILIPPOTE : Eh ben voilà ! tu n’auras qu’à dire que la H. C. C s’était trompée ! «  Errare qu’humanum non est. » 
FRIEDRICH, inquiet : Qu’est-ce que c’est ? Une formule magique ?
PHILIPPOTE : Mais non, voyons, c’est du latin. Je le parle couramment. Cela signifie « L’erreur n’est pas                qu’ humaine ». 
FRIEDRICH : « L’erreur n’est pas qu’humaine ? » Elle acquiesce d’un mouvement de tête.  On dit ça... en latin ?
PHILIPPOTE : Oui, oui... mais je suis étonnée, voire un peu déçue… Toi qui sais tant de choses, tu ne... 
FRIEDRICH : Bien-sûr… bien-sûr, tu penses ! je connais cette expression. Jetant un rapide coup d’œil sur son parchemin. Remarque... je me demande si, en effet... on dit cuistote pour une fille, non ? Cuistot, c'est masculin… Oui, je me demande si, en effet, ce ne serait pas plutôt un Rêve de petit garçon, ç
a.

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