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Début "Le Rêve de Béatrice" - Théâtre

Le bar-restaurant d'un hôtel...
Côté cour, un comptoir perpendiculaire à la scène. Dans le prolongement du mur derrière ce comptoir, en fond, un couloir qui mène à l'appartement de la famille des dirigeants de l'hôtel et, en avant scène, une porte battante qui donne sur la cuisine. Contre le mur des étagères et des boissons diverses, des verres etc... Un tableau avec les clefs des chambres.
Côté jardin, le bas d'un escalier qui monte aux chambres. Un vaisselier, contre le mur. 
Fond de scène, une grande baie vitrée qui donne sur un parc et qui est aussi une entrée.
Dans la salle, tables et chaises pour les consommateurs.

Le bar est désert. Il fait beau... La matinée est avancée.
Un jeune homme sort d'une trappe derrière le comptoir en poussant devant lui un casier de bouteilles… Il commence à ranger. Survient alors une très jeune fille... Les traits de son visage sont étranges, disgracieux. Sa tête est grosse, disproportionnée. Elle l'interpelle violemment du bas de l'escalier.  


BOULE : Chaquar ! Chaquar !...
CHAQUAR : Je suis là, ne crie pas comme ça.
BOULE : Chaquar !...
CHAQUAR : Oui, qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce qui se passe ?
BOULE, très excitée : Je l'ai vue... je l'ai vue. Elle est sortie. Oui, elle est sortie.
CHAQUAR : Quand ?
BOULE : Ce matin...   
CHAQUAR : Elle a quitté l'hôtel ?
BOULE : Oui... Oui. Elle est partie.   
CHAQUAR : Définitivement ?...
BOULE : Elle est partie. Oui, elle est partie.
CHAQUAR : Ça va, j'ai compris. Elle avait des bagages ?
BOULE : Non. Non. Elle était toute seule. Toute seule avec ses cheveux brillants. Sur le chemin... 
CHAQUAR, après avoir jeté un rapide coup d’œil au tableau : Elle n'a pas laissé sa clef. Un oubli, probablement.
BOULE : Oui... Elle brillait... dans les arbres du chemin... sans bagages.
CHAQUAR : Elle a dû aller faire une balade près des marais comme souvent... Elle est sortie très tôt ?
BOULE : Oui... C'était rose. Et tu vas être content... Oui... Parce que j'ai un cadeau. J'ai un beau cadeau pour toi. Tu vas être content. Tu vas être très content même ! Oui c'est sûr-sûr !...
CHAQUAR : Calme-toi, Boule... évidemment que je vais être content.

BOULE : Et moi... et moi aussi.
CHAQUAR : Oui, toi aussi.Temps. Alors tu me le montres ?...
BOULE : Si on fait la ventouse. 
CHAQUAR : Boule... Je n'ai pas le temps.
BOULE : La ventouse !
CHAQUAR : Non. Boule se tire violemment les cheveux. Je t'ai déjà expliqué... Elle continue. Ça va, ça va...  Elle cesse de se tirer les cheveux, ferme les yeux. Il s'approche d'elle. Ils échangent un court baiser, lèvres closes et en agitant la tête dans tous les sens. 
BOULE : Je suis contente ! Je suis contente ! Encore...
CHAQUAR : Non. Tu es trop énervée.
BOULE : Je te le donnerai pas.
CHAQUAR : Garde-le.
Il fait mine d'ouvrir la trappe.
BOULE : C'est quelque chose de sa chambre.
CHAQUAR : Tu as fouillé dans ses affaires ? !
BOULE : Non. C'était par terre.
CHAQUAR : Mais même par terre, tu n'as pas le droit d'y toucher !
BOULE : C'était froissé ! C'était jeté !
CHAQUAR : Ne crie pas, s'il te plaît !... Qu'est-ce que c'est ?
BOULE : C'est écrit.
CHAQUAR : Fais voir.
BOULE : Si on la refait ! Si on la refait !
CHAQUAR : Je t'ai demandé de te calmer !... Elle se calme, ferme les yeux. Il l'embrasse à nouveau. Elle rit. Voilà... Allez montre !
BOULE : Il faut que tu cherches. C'est sur moi.
CHAQUAR : Non... Ecoute, Boule, je te l'ai déjà dit : c'est pas bien de jouer à ça, crois-moi.
BOULE : Pourquoi ? J'ai presque rien d'âge mental. 
CHAQUAR : Ce n'est pas une raison.
BOULE : Je l'ai mise dans un endroit sucré, la feuille de papier.
CHAQUAR : Sois gentille, donne-la moi sans que j'aie à la chercher.
BOULE : Non. 
CHAQUAR : Allez ... Il tend une main pour qu'elle y dépose la feuille, elle la lui prend et la pose sur un de ses seins. Arrête, Boule... ce…  Arrête.
Elle le laisse retirer sa main.
BOULE, tristement : C'est à cause d'elle.
CHAQUAR : Qui ?
BOULE : La cliente.

CHAQUAR : Non. C'est parce que tu es devenue belle... Tu comprends ?
Oui, je suis sûr que tu comprends. Tu me la donnes maintenant ?
Boule cherche quelque chose contre sa poitrine et lui tend une feuille froissée. Chaquar déplie soigneusement le papier quand ...
BOULE, terrorisée : Chaquar attention ! Attention ! Les grandes ailes noires ! Attention !... Chaquar !... Mon Chaquar.
Elle se jette dans ses bras et ferme les yeux.
CHAQUAR, tendre : Boule... Boulue... C'est rien. Y a rien. 
BOULE : Chaquar... Les ailes... les ailes noires vont te prendre. 
CHAQUAR : Y a rien, je te dis.
BOULE : J'ai peur. Je suis plus contente.
CHAQUAR : Je le vois bien mais tu n'as aucune raison d'avoir peur. Tu sais bien qu'il y a des choses réelles et d'autres qui ne le sont pas. Eh bien ça, ça fait partie des choses pas vraies. Tu me crois ?
BOULE : Oui.
CHAQUAR : Alors ouvre les yeux.  
BOULE, s'exécutant  : C'est mon caillou... C'est mon caillou de la tête, hein ?
CHAQUAR : Oui, il a bougé parce que tu t'es trop agitée.
BOULE : Maintenant il me fait mal.
CHAQUAR : Forcément.
BOULE : Chaquar... tu vas partir aussi ?
CHAQUAR : Mais non.
BOULE : Avec la cliente... 
CHAQUAR : N'y pense plus. 
Il s'apprête à lire. 
BOULE : Ne lis pas.
CHAQUAR : Maintenant laisse-moi.
BOULE : Ne lis pas !
Boule essaie d' arracher le papier des mains de Chaquar.  
CHAQUAR : Boule !
BOULE : Ne lis pas !
CHAQUAR : Ne t'énerve pas comme ça tu vas encore...
HELENE, off, appelant  du parc : Boule !... Boule !
CHAQUAR : C'est ta mère.
Chaquar met précipitamment la feuille dans une des poches de son pantalon.

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